Choubentsov Andrei

traducteur  russe

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exemple de traduction du français vers le russe

traduction en russe

 

"La philosophie du langage" (extraits)

On peut globalement caractériser le passage de l'oral à l'écrit par la standardisation, c'est-à-dire la mise en formes fixes. Même si le concept d'unités linguistiques discrètes ne semble pas faire défaut à des langues purement orales, seule la langue écrite impose (quel que soit d'ailleurs le type de représentation adopté) un découpage systématique et rendu conscient de tout message en unités graphiques discrètes. Cette formalité a pour conséquence un déclin inéluctable de la variabilité. Quel que soit le degré d'unification d'une communauté linguistique, l'oral reste indissolublement marqué de spécificités individuelles (sexe, âge, état de santé, état de tension du locuteur) et sociales (origine géographique, appartenance sociale du locuteur). Le message oral peut même porter les marques de la relation entre le locuteur et l'interlocuteur. Par contraste, l'écrit est beaucoup plus universalisant et s'il porte des marques d'origine sociale (fautes d'orthographe, par exemple), c'est dans ses "ratées" et non intrinsèquement. D'une façon générale, les sociétés humaines " graphématisées " admettent beaucoup plus facilement les variations orales que les variations écrites. La variation dialectale est courante dans les pratiques langagières orales de toutes les communautés humaines. Elle n'a pratiquement pas d'équivalent à l'écrit.

La mémoire des sociétés orales ne fonctionne pas de la même façon que celle des sociétés graphématisées. Plus précisément, elle est sujette à un phénomène aisément observable dans la vie quotidienne : lorsqu'on demande à quelqu'un de restituer le plus fidèlement possible une conversation quelconque, le sujet restitue presque toujours une glose fidèle au contenu du message, mais généralement peu à sa forme. Les sociétés orales sont des sociétés où la restitution des messages linguistiques est le plus souvent de l'ordre de "l'à peu près", et où, par conséquent, la synonymie (X veut dire ou signifie la même chose que Y) est d'un usage généralisé. Avec l'écrit s'instaure au contraire le règne de la "fidélité à la lettre" et donc de la méfiance à l'égard de la synonymie, voire de la contestation même de son existence. Les contes des sociétés orales sont constitués de thèmes fixes autour desquels chaque récitant improvise ses variations ; l'institution littéraire tient, au contraire, pour nécessaire qu'il y ait un texte établi une fois pour toutes.

L'écriture conduit à des transformations profondes des pratiques langagières. L'absence du locuteur, donc le non-partage d'une situation de référence, oblige à expliciter des paramètres de l'énonciation laissés implicites à l'oral. C'est ainsi que le fonctionnement des déictiques se trouve inversé. Dans l'échange face à face, ils réfèrent à partir de l'ici et maintenant du locuteur, de sa position corporelle dans l'espace/temps. Le locuteur doit être identifié pour que son message puisse être compris. Dans l'écrit, on n'a pas besoin d'identifier le locuteur, mais c'est le renvoi du déictique qui doit être identifié.

L'écrit laisse sans réplique immédiate : le lecteur ne peut interrompre le message et s'instaurer comme locuteur. Mais, inversement, le lecteur ayant tout le temps de revenir sur le message, d'en interrompre ou de différer la réception, peut mieux en percevoir la stratégie, les articulations et les faiblesses, d'où une plus grande liberté face au message écrit que celle de l'auditeur face à l'oral. L'inscription de l'oral dans le temps et la "volatilité" du signal exercent des contraintes sur la complexité des messages. En outre, le déroulement strictement linéaire du temps impose sa structure au message oral (linéarité). Par contraste, l'inscription spatiale de l'écrit et sa nature généralement "stable" lui permettent une bien plus grande complexité : les paragraphes fleuves d'un Proust ne sont pas concevables en dehors du support écrit.

 


ŠAndrei Choubentsov